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Envie de participer ?

1ère édition du Tour de Savoie cyclo,
ou la découverte d’un vélo d’un nouveau genre.

 

J’y vais ? J’y vais pas ? A la lecture de l’annonce de cette nouvelle manifestation, et après en avoir détaillé le contenu, ma cervelle s’est emmêlée dans une multitude de questions, certaines avec réponse, d’autres sans.
Je ne connais rien à cette discipline appelée bike-packing, sauf ce que j’ai pu en lire. Des « dingues », au féminin et au masculin, qui se lancent sur des parcours improbables, toujours plus longs, toujours plus durs et… toujours plus chers en terme de montant d’inscription.

Cette proposition des CTC m’attire autant qu’elle m’effraie. Le programme proposé est copieux et il ne faut pas s’aventurer à la légère sur ce type d’épreuve. Je n’ai pas de matos de voyage, pas la bonne monture, pas de « métier » dans ce domaine…

Pataugeant dans ces incertitudes et ces questionnements, l’ami Jean-Pierre me dira un jour « si tu te sens, si tu en as vraiment envie, inscris-toi ! Pour ne pas regretter plus tard, d’avoir manqué ce rendez-vous »


Mardi 11 juin 2024.

Départ mardi soir, 19h30 de Challes-les-Eaux, pour une étape longue, imposée par ce départ en nocturne.
La pluie nous cueille dès le début de l'ascension du Grand Cucheron, que nous finirons même avec un poil de brouillard. La descente sur les Hurtières me rassure. En effet, la température remonte à un seuil supportable pour mon organisme encore en bon état de fraîcheur et je pense même que l'épisode de "merde" en est terminé (je m'impressionne de la naïveté qui est la mienne en matière de météo !)

Le petit peloton de 17 participants s'est effiloché et c'est avec J-Luc, un compagnon de route de la région lyonnaise que j'entame l'enchaînement Glandon - Croix de Fer. Ça se passe plutôt bien malgré la nuit noire et un plafond qui peu à peu, efface les étoiles que l'on voyait briller à St-Etienne-de-Cuines.

Après St-Colomban-des-Villards, un petit crachin réapparaît, se renforce et vire carrément à la pluie. Qu'à cela ne tienne, après les 2 derniers kilomètres "mortels" du col du Glandon, la Croix de Fer ne sera qu'une "formalité". Mouais... c'était sans compter sur un froid qui s'est mis à engourdir les mains, les pieds, tout le corps quoi. Une fois la photo faite au sommet de ce col mythique, il a fallu affronter la descente sur St-Sorlin-d'Arves. La route fraîchement gravillonnée n'a pas rendu les choses aisées, plus de ligne blanche sur la chaussée pour nous guider. Un froid de canard, mes freins à l'efficacité nulle sous la pluie ont usé mon physique qui n'avait pas besoin de ça. Descendre un col aussi doucement que je l'ai monté, ça ne m'est jamais arrivé, et je ne suis pourtant pas un descendeur "effronté".

Transis par le froid, c'est un plaisir de reprendre la pente du col du Mollard. L'arrivée sur St-Jean-de-Maurienne se fait plus ou moins au sec, mais toujours dans le froid. Il est hélas encore trop tôt pour trouver une boulangerie ou un café ouvert pour se réchauffer un peu. Avec mon compagnon de route, nous filons donc sur le col du Chaussy. Pendant cette ascension, le sommeil m'a agrippé sévèrement. Il y a des moments où je n'étais plus là... je n'ai pas les mots pour décrire ces "absences". J'étais comme une télécommande, en veille. Éveillé mais éteint.

Nous ferons une pause bienvenue à Montaimont. Petit-déjeuner au chaud dans l'unique auberge du village, ouverte quelle chance, sur notre passage !

Il faisait toujours aussi froid quand on se remet en selle. Et le programme fait un peu peur avec la Madeleine à se farcir par les rudes pentes de Montgellafrey. On se retrouvera à 4 au sommet du col de la Madeleine, et plongeons sur Tarentaise. La confiance en mon freinage étant loin du minimum syndical, je laisserai filer mes camarades de jeu vers Hautecour et le plan d'eau de La Trappe.

J'ai cependant une énorme surprise, à La Forvie (fin de la descente de La Madeleine), où de la famille est venue m'encourager, avec quelques gourmandises pour me requinquer la carcasse, et m'apporter ce soutien moral qui redonne une dose d'énergie incomparable. Un de mes frères, chez qui je vais passer un temps de repos m'accompagnera jusqu'à sa demeure, à Centron. J’ai découvert le plan d’eau de La Trappe, et son accès loin d’être aisé.

2-3 heures de sommeil, impossible d'en prendre plus, un repas en famille et je décide de me remettre en selle à presque 22h, avec mon frère comme compagnon de route.

La route des balcons du soleil, au rendement médiocre (c’est peu dire) et aux pourcentages qui causent bien par endroit, chahute mon moral. Mais comment je vais sortir à Roselend ?

Le froid commence à me perturber dès Valezan. J'abandonne mon frère à Bourg-St-Maurice, il est 1h du matin. Pour ma première nuit en solo, je dois avouer une certaine appréhension. Et puis le froid que l'effort en montée ne parvient pas à juguler. Je me gèle. Et puis le sommeil, que le froid ne parvient pas à juguler. Je zigzague, manque même de me mettre au tas sur un moment d'inattention. Cette "ambiance nuit", très particulière, a toutefois contribué à gommer des derniers kilomètres du Cormet, cette impression que l'on perçoit au grand jour, de croire le sommet juste derrière la prochaine courbe. Mes seuls repères visuels ont été les bornes kilométriques.

Glacial le sommet du Cormet de Roselend. Et les organisateurs qui nous invitent à profiter des paysages magnifiques de la Savoie. Tu parles...

Secoué par les frissons, je me lance, freins serrés, vers le barrage de Roselend. Je me sens "chez moi" et franchement, c'en est rassurant, ça permet de reprendre un peu de confiance et de moral. J'ai quand même dû m'arrêter pour me réchauffer les mains après le Plan de La Lai. Une petite "bataille de réchauffette", au milieu de nulle part... pas commun.
Je ne pensais pas en baver autant dans le col du Pré, où j'ai enfin compris le "plus tu pédales moins vite, moins t'avances plus vite". Le froid et le sommeil ne m'ont pas "foutu la paix" depuis Bourg-St-Maurice en fait.

Je n'ai pas osé squatter table et chaise au restaurant la Pierra Menta pour un petit somme avant le col du Pré (si c'était à refaire...).

Interminable descente sur Arêches, mains endolories par une pression incessante sur les poignées de freins, peur de prendre de la vitesse qui me jouerait un vilain tour à l'épingle suivante ou au croisement avec une voiture. Eh oui, les Beaufortains sont des besogneux, et vers 6h du matin, la vallée s'anime.

Beaufort. Enfin ! Je crois être le premier client de la boulangerie qui est encore fermée. Je toque à la porte sur les conseils d'un passant bienveillant. Douce chaleur pour commander une quiche et un pain au raisin. Pas trouvé de bar pour un café tant espéré...

Encore vêtu chaudement, je reprends la trace vers Hauteluce. Aux Curtillets, je croise un cyclo en sens inverse, affairé à son téléphone. Me dis "ben y'a des courageux qui partent tôt pour rouler". Je n'avais pas reconnu un autre de mes frères venu rouler avec moi une partie des ascensions du jour !

Le petit rayon de soleil au col des Saisies est trompeur. Sympa mais pas à la hauteur de mes attentes pour retrouver une vraie sensation de chaleur, à minima de « mieux être ».

Je connais le col de l'Arpettaz, par Ugine mais n'est pas souvenir de l'avoir gravi depuis Héry sur Ugine. Eh bien maintenant, c'est bon. Le souvenir est gravé : col dur dès le début. Heureusement que des passages plus doux, bienvenus pour se refaire un peu la cerise, permettent d’apprécier le final grandiose (je parle du panorama !). Surprise dans ce col quand revient sur moi un bolide que je pensais à vélo électrique. Un neveu a pris une matinée de congé pour faire un bout de route avec "l'ancien", comme il dit. Il devait être au taf l'après-midi ! Pas beau ça ? Ça fait chaud au cœur, je vous le dis !

A oublier vite, la descente côté Ugine. La route un brin défoncée, les pentes également bien prononcées et mon freinage qui ne m’inspire pas confiance me coûtent une énergie dingue.

Les surprises vont se succéder dans la plaine. Dès Ugine, un copain de l'ASPES était présent et projetait de grimper le collet de Tamié à mes côtés. J'ai été déçu de ne pas pouvoir saisir sa proposition. J'avais programmé mon 2e arrêt à Albertville chez une sœur (oui, une famille nombreuse ouvre le champs des opportunités !) Désolé Jean-Luc. Nous avons quand même rallier Conflans en duo et en blablatant. Conflans... surprise encore. Sœur (une autre !) et beau-frère au sommet de la cité médiévale. Rebelote pour un coup d'émotion et de chaleur fraternelle... quelle chance ! Tous les concurrents n'auront pas ce soutien tout du long...

C'est quand même bien entamé que je pose donc mes sacoches chez ma sœur. Dodo, ravito et j’enfourche de nouveau mon destrier. Objectif Grésy/Aix, point de chute de mon 3e tronçon, chez une de mes filles... ben je vous l'ai déjà dit et répété, la famille...

Le collet de Tamié se passe plutôt pas mal et dans la descente, surprise toujours, de croiser Richard, un cyclo albertvillois, féru de longue distance et bientôt au départ de la Race Across France. Il fera la route avec moi jusqu'au Frêne. La dernière surprise m'attend à St-Vital. C'est mon fils aîné, qui a sorti son biclou du garage pour sa 1ère sortie 2024 et qui a escaladé Miolans avec son père et Richard. Comment ne pas retrouver du peps avec tous ces soutiens et marques de sympathie ?

La vallée des Bauges, comme celle du Beaufortain, ne m'étant pas inconnue, je suis détendu. Un peu fatigué aussi mais confiant. La nuit prend ses quartiers. A Lescheraines, je commence à ressentir un truc bizarre. Le bras gauche qui part en sucette. Plus de réponse aux ordres. Appui impossible en danseuse, position inconfortable assis, mains au guidon. Cette situation m'agacera sur Plainpalais - où mon frère m'attend avec son vélo ! - et puis jusqu'au final à Grésy. Pas de fioriture au Belvédère du Revard où un vent à décorner les bœufs le rend plutôt inhospitalier. Ultime surprise, mon hôte du soir est venue soutenir, dans le froid et la tempête de vent, son père et son oncle. Deux points de lumières qui perçaient dans l'obscurité totale du Mont Revard, habituellement plus accueillant.

Je me suis tapé un bout de route, en partie connue pourtant, interminable du Revard à la Croix du Sable. Là, je quitte la trace officielle et fonce (enfin, il faut pondérer un peu, beaucoup, mon propos !) pour retrouver la chaleur d'un foyer familial. Vu l'heure, je n'ai pas hésité à rester sur la route nationale pour gagner Grésy/Aix.

Petite nuit, mais bonne nuit. Au petit matin, l’étonnement des petits-enfants de voir leur papi et son vélo trônant dans la maison était sympa à vivre.

Il pleut à l'heure où les volets s'ouvrent en grand. Petit coup au moral. Pluie et freinage merdique me contrarient de plus en plus fort. Mais quand faut y aller, faut y aller. La mise en place de mes couvre-chaussures de pluie - dont je tairai la marque - m'aura valu quelques jurons et quelque retard sur mes prévisions de départ. Mais finalement, cela m'a permis de partir, route humide mais sans la pluie.

En route pour La Chambotte, puis l'abbaye d'Hautecombe où je ne m'étais encore jamais rendu depuis 10 ans que j'habite Chambéry !

Yenne sera, après une incursion en terre aindinoise décriée gentiment et non sans humour par nombre de participants, un endroit idéal pour la pause casse-croûte. L'envie de profiter, de flâner sera mise à mal par des gouttes annonciatrices de... pff. Pas possible ça !

Mais j'aime ce qui se pointe au menu. Le Mont Tournier. Au sommet de ce dernier pourtant, je suis vraiment sous la pluie et toujours gêné par "l'absence" de bras gauche. Photo, habillage hydrofuge et je coupe le cerveau pour stopper mes jérémiades La météo s'arrangera plus vite que prévu et ce n'est pas pour me déplaire.

Je loupe involontairement (si si ! Je vous jure !) le raidar après Rochefort, vers le hameau Les Abbés. Mon GPS m'a dit que je me plantais. Une courte hésitation pour faire demi-tour. Mais je connais ce coin et je sais, sans même l’avoir pratiquée, que la bifurcation indiquée par le GPS ne change pas grand-chose au point de sortie. A entendre les commentaires de ceux qui ont suivi scrupuleusement la trace, mon erreur a été salutaire pour éviter un furieux guet-apens.

Guet-apens est sans doute un peu fort pour les coup-de-cul entre Aiguebelette et Attignat-Oncin, mais ils piquaient. Fatigue et sommeil m'ont attaqué sournoisement. Alors sur les hauteurs d'Attignat-Oncin, je trouve tous les ingrédients pour une aire de repos éphémère : un banc, un rayon de soleil. Je me pose, me ravitaille, me couvre et me laisse bercer par cet endroit bucolique.

Mais la route n'est pas finie. Et si je veux arriver avant la nuit au Bourget-du-Lac, il faut arrêter de rêvasser. Au moment où j'enclenche mes pédales, arrivent deux brillants et sympathiques participants : Thibault et Mathieu. Je m'invite dans leur sillage (merci les gars !) jusqu'aux Echelles. Là je continue ma route et les laisse à la recherche d'une boulangerie. Faciles qu'ils sont, ils me reprennent dans la montée du col des Égaux. Mon frère est de nouveau avec moi, depuis col de Couz, pour les dernières difficultés, Égaux, Cluse et Granier.

Le bras gauche toujours un peu en vrac, je peux filer sur la fontaine des Éléphants à Chambéry avec un enthousiasme retrouvé. Mais la pluie menace de se durcir, alors pas de temps pour le moindre relâchement. Prudemment mais sûrement, je touche au but. Les 4 sans cul seront l'ultime CP avant la ligne d'arrivée.

Quelle émotion de trouver enfants, petits-enfants, frères et leur épouse à la base nautique du Bourget !

Un petit bouquet de fleurs remis par les sympathiques et attentionnés bénévoles des CT chambériens marque la fin de ce périple, avec la photo au bord du lac pour immortaliser cette aventure, pour moi, hors du commun. Ma première expérience du genre.

Dure, exigeante physiquement et moralement mais à coup sûr, inoubliable.

Le tracé proposé me donnait l'opportunité de points d'étape idéaux, dans la famille, me libérant d'une contrainte logistique que les autres participants ont dû assumer, soit en amont de l'épreuve, soit en direct, pour réserver un endroit où dormir ici ou là.

Expérience riche sportivement et humainement. Une belle organisation des amis cyclos chambériens, passionnés, chaleureux et soucieux de bien faire les choses, de A à Z.

Pour le "bleu" que j'étais (et que je suis encore ! On ne s'aguerrit pas en 1 participation) je dis que tout a été mis en place pour que chacun atteigne l'objectif qu'il s'était fixé, formule cyclo ou randonneur.

Merci aux CT chambériens, pour leur simplicité "rigoureuse", pour les couleurs qu'ils ont donné à cet évènement, pour leur gentillesse et leur initiative de ce tour de Savoie.

Bravo à tou-te-s les cyclo-te-s présent-e-s au départ.

Rendez-vous en 2025 ? Euh... ça mérite réflexion !

 


Un moment de détente avec Didier, au plan d’eau de La Trappe


Col du Pré en vue… enfin, façon de parler, il fait tout nuit ! Pas osé m’assoir pour faire un bout de sieste, affalé sur la table !

Je refais les niveaux à Yenne, et quitte le lieu un peu dans l’urgence…

Dernier bout droit et...

La photo ! En compagnie d’Alphonse (Président CTC) et d’Olivier (chef d’orchestre de l’organisation de ce 1er Tour de Savoie

Le devoir accompli ? Non, le plaisir assouvi

Le magnifique trophée !